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Le kicécéki - thor

3/4/2023
THOR OU RÉGIS ALTMAYER-HENZIEN : BANJO

Voici une vieille légende scandinave que me rapporta un jour un grand homme blond et taciturne que je croisai assis sur un tronc, à la lisière d'une forêt norvégienne: "Il est dit par les anciens que, fut un temps, on retrouvait très régulièrement dans ces bois des cadavres d'ours. Leurs dépouilles avaient été abandonnées là, au sol, mutilées avec la plus grande barbarie. Fait étrange, il leur était à chaque fois retiré une canine, comme pour les humilier un peu plus. Pour autant, il ne manquait ni la viande de l'animal, ni sa peau, qui pourtant, en ces régions septentrionales, étaient des denrées précieuses. Le geste avait probablement été guidé par une haine pure, cristalline. Les aînés ont longtemps essayé de comprendre qui pouvait bien être l'auteur de telles atrocités, mais en vain, d'autant que ce curieux rituel se répéta sur plusieurs générations..."

Je laissai là l'autochtone, un peu gêné par cette histoire singulière et effrayante, ne comprenant d'ailleurs pas bien pourquoi il me l'avait racontée. Et plus, en m'éloignant de lui, je repassais ce moment dans ma tête, plus quelque chose clochait. Je faisais mentalement défiler à nouveau chaque détail de la scène et m'arrêtai sur ce que j'avais au départ considéré comme un tronc d'arbre sur lequel il était assis... Bon sang de bois! Je fis demi-tour et au fur et à mesure que je m'approchais de lui, je compris l'évidence: il n'était pas assis sur un tronc mais sur une dépouille d'ours encore chaude! D'un léger hochement de tête, je lui fis comprendre que j'avais compris qu'en fait il me parlait de lui. D'évidence, ses confidences étaient une invitation à le sauver de lui-même, lui qui hantait probablement ces bois depuis des siècles.

"Je suis Thor l'immortel, mi-homme mi-Dieu. Et je ne supporte pas qu'on s'en prenne aux lapins..."

Je sus instantanément qu'il était un coeur d'enfant dans un corps de géant à la force brute et tellurique, qu'il était un ange de douceur pouvant en un instant devenir Bestiole...

"Mais, pourquoi leur prélever une canine? lui demandai-je.

-La canine d'ours est un très bon médiator pour déchaîner le tonnerre avec la guitare."

Nous fîmes route ensemble et il vint s'installer à Saint-Coin. Il y apprit que la violence de sa guitare (son "arbre à foudre" comme il l'appelait) pouvait être tempérée par moments par la fragilité du banjo. Il apprit à coudre lui-même ses vêtements en matière végétale, à se nourrir de baies et à susurrer la Saint-Coinnaise à l'oreille des femmes. Il devint humain. Enfin.

Plus jamais il ne tua d'ours, mais on dit que parfois, à la nuit tombée, on entend en bord de Loire hurler les castors...

(photos : @Julien MUDRY / Rémi ANGELI / Denis CHAPERON)

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